vendredi 27 février 2015

T'es jeune, tu bouges!

On m'avait dit
vient samedi matin
vers cinq heures
y'aura du monde
c'est jour de marché.
Bon.
Y'avait du monde
c'est sûr
un peu plus que d'habitude.
Une poignée
au lieu
d'une pincée.
Trois quatre pêcheurs
qui allaient pouvoir nourrir toute la baie
et peut-être même quelques vallées éloignées
avec leur prise de la nuit.
Quatre cinq pêcheurs
dont
Sandra.
Sandra
c'est un rayon de soleil sur le petit quai.
Je vous en ai déjà parlé .
Sandra bosse au snack du petit quai
le jour
et ça ne l’empêche pas
d'aller à la pêche
la nuit.
"T'es jeune! tu bouges!"
dit-elle dans un éclat de rire
et quand elle bouge
c'est comme un scintillement
sur le quai
à l'aurore.
Ecoutez-la
elle
et d'autres jeunes
qui ne restent pas les deux pieds sur le même radeau
dans "Instantanés du monde dans la baie de Taiohae" (cliquez ici et vous l'entendrez)
Photographie©Anne Bonneau

mercredi 25 février 2015

A bras ouverts

Des bras ouverts
c'est comme ça
qu'elle voit
la baie où elle vit
Déborah.
Des bras ouverts
qui l'ont accueillie
il y a trente ans 
alors qu'elle débarquait
de Tahiti
où elle a grandi.
Depuis
bien d'autres 
lui ont ouvert les bras
ici
à Taiohae.
Une habitude de la région?
Quand je suis arrivée à Nuku Hiva
je voulais bien-sûr rencontrer Déborah
dont on m'avait tant parlé.
J'ai débarqué
toqué à la porte de son bureau
Déborah a juste terminé sa conversation téléphonique
en me faisant signe de m'asseoir.
Elle ne m'a pas dit
"Voyez avec mon assistante"
ou
"Attendez, je regarde mon agenda"
en feuilletant pendant de longues minutes d'un air contrit.
Non non non
elle m'a souri
a raccroché
et aussitôt
notre échange a commencé.
Il a duré longtemps
plus que n'en peut capter mon micro.
Les bras ouverts
je pense qu'on peut dire
qu'elle m'a accueilli
comme ça.
Ecoutez-la
elle est passionnante
et passionnée
par son pays
dans "Instantanés du monde dans la baie de Taiohae" (cliquez ici, vous l'entendrez)
Photographie©Anne Bonneau

lundi 23 février 2015

Belle baie, bonne baie

Je ne sais pas si c'est parce que je rentre tout juste de Bombay
que j'ai souhaité
là tout de suite
faire cette émission
sur la baie de Taiohae.
J'adore la baie de Bombay
j'y passerais ma vie.
Mais

quand je retrouve
la baie de Taiohae
je me dis
oui
oui
là aussi
je passerais bien ma vie!
Et je suis d'autant plus sensible
aux propos de Déborah
qui l'adore
sa baie
de Taiohae
et qui craint
peut-être qu'un jour
elle ne ressemble
à la belle
à la bonne
baie
de
Bombay.
Ok, ok, j'exagère!
Mais...
Ecoutez l'attachement
à cet environnement
exceptionnel (et là, je n'exagère pas!)
et la crainte
de ce que cela pourrait
devenir
dans "Instantanés du monde, dans la baie de Taiohae" (cliquez ici pour entendre l'émission)
Photographie©Anne Bonneau

mercredi 18 février 2015

L'essence du sacré

Elle veut absolument m'emmener le voir
Poe
le tiki
d'Upeke.
Même s'il faut braver la brousse
les bestioles
les rochers dissimulés
qui font trébucher.
En vérité
elle ne l'appelle pas "le tiki"
mais "le caillou"
juste
"le caillou".
Alors quoi
tout ça pour voir un caillou?
C'est plus le symbole
que le "caillou" lui-même
qui intéresse Poe.
le lieu en fait
qui la fait vibrer.
Car le sacré
n'est ni dans la pierre
ni même
dans le symbole.
Mais dans ce lieu
pris entre terre et vent
entre air et océan
dans les ombres des arbres à pain
le pied glissant sur la mousse
le jarret lacéré de feuilles
les éclats de soleil entre les lianes des banyans.
Le sacré de Poe
il est là
dans les gestes de la danse
qu'elle accomplit
en mémoire
de tant d'autres Poe
qui les ont tracés là
avant.
Un sacré
éphémère
et perpétuel.
Ecoutez cette danseuse
aux prises entre ses sacrés
dans "Instantanés du monde à Upeke" (cliquez ici pour entendre l'émission)
Photographie©Anne Bonneau

lundi 16 février 2015

Mémoire du geste

Elle se souvient de tout
Marie-Victoire
du nom des Soeurs, à Sainte Anne
celles qui lui apprenaient
à troquer son fruit à pain
contre les tartines de beurre le matin.
Qui lui disaient
comment bien parler
le français.
Comment se tenir
se vêtir.
Tout.
Tout
sauf la danse.
Mais
mais
elle se souvient
pourtant
des gestes appris
en cachette des grand-parents
qui lui frappaient les jarrets
s'ils la prenaient à danser.
Les gestes
pourtant
sont restés.
Et les chants aussi.
Une mémoire du corps
qu'elle transmet
à ses enfants
ses petits-enfants
qui ont compris
enfin
que ces gestes immémoriaux
pouvaient
aussi
les enrichir...
Ecoutez la passation
entre chants et rires
dans "Instantanés du monde à Upeke" (cliquez ici pour entendre l'émission)
et régalez-vous du beau parler de Marie-Victoire
déclarant
"Ce sont eux, mes petits-enfants, qui portent la danse maintenant"
Photographie©Anne Bonneau


vendredi 13 février 2015

A quoi on joue maintenant?


Ils chantaient      
autrefois
pour les rois
vantant
leur courage
la beauté de leurs femmes
la valeur de leurs dieux
enfin
de 
leur
dieu.
Les Langa.
Chanteurs officiels 
des
Nawabs, Nizams
et autres généreux
esthètes
amoureux
des belles notes
des belles phrases
des beaux rythmes
des beaux tons.
Aujourd'hui
ils jouent
dans les mariages
et aussi
dans les temples
pour les fêtes religieuses
Pourquoi pas?
Photographie©Anne Bonneau

jeudi 12 février 2015

ça a pas d'allure!


Oui ça c'est sûr
c'est pas un village
de carte postale...
C'est ce que j'aime dans la radio
débarquer dans un endroit
qui n'a pas d'allure.
On s'en fout.
ça se voit pas.
Ce qu'on entend
c'est le chant insensé des grillons
qui se superpose
à celui
des femmes
de la tribu
Langa.
Toute la nuit
la fête.
ça a pas d'allure?
Ah
et aussi
celui
des chiens
"gaffe, ils mordent!"
me dit Ismaël
Wouhou
Ecoutez-moi ça
Photographie©Anne Bonneau

mercredi 11 février 2015

Répétition


Tous les matins
Ismaël Khan répète
un peu pour lui
surtout
pour les enfants
de la famille élargie
qui vivent là.
Il joue
il répète
ils regardent
ils écoutent
et ils répètent.
Ils essaient
d’emboîter le pas
d’emboîter la voix
de poser les doigts
le ton
le rythme
il
faut.
Ils vont pas à l'école?
Ben non, quelle question!
il y a tant à apprendre
ici.
Ecoutez Ismaël 
évoquer 
l'éducation
Photographie©Anne Bonneau

mardi 10 février 2015

Sacrée chaleur!


Quand on est arrivé
chez Ismaël Khan Langa
tout de suite
on nous a fait honneur.
Installés
direct
dans 
LA 
pièce
climatisée.
Deux mètres sur deux.
Trente personnes dedans.
des enfants surexcités
par notre arrivée.
la clim qui ronfle
à donf.
Ah.
Sympa.
Je me souviens plus
ce que j'ai prétexté
pour aller enregistrer
ailleurs
ailleurs, juste là
dans la petite cour intérieure
loin
loin
de la clim
et du ventilo.
Non, non, pas la peine de l'allumer!
Faut faire honneur
à la musique
de cet antédiluvien
harmonium
Non?
ça, tout le monde est d'accord
Y'a des trucs sacrés, tout de même.
Photographie©Anne Bonneau

lundi 9 février 2015

Un rendez-vous


Pas facile
de trouver son quartier
dans Jodhpur
nous avait dit
Ismaël Khan Langa.
Alors, rendez-vous
à la falaise Doordarshan.
Ah.
Doordarshan, c'est la télé nationale indienne
Ils ont une falaise?
Mazette!
On n'a pas ça, nous!
En y arrivant
je comprends.
La falaise
est piquée d'une belle batterie d'antennes relais
On peut pas la louper...
La même falaise
que celle avec le Fort de Jodhpur
Mais sans le Fort
Mais avec des antennes.
ça change.
D'un coup d'oeil
on l'a reconnu
Ismaël
même si on le connaissait pas.
Il a levé la main
sans sourire
en nous voyant.
Les sourires
c'est après
dans le feu de l'action
qu'il les a dévoilés...
Le feu de l'action? 
Photographie©Anne Bonneau

vendredi 6 février 2015

Deux roupies pièce


"On ne trouve pas de main d’œuvre, on ne trouve plus de travailleurs. C’est parce qu’on doit les payer trop cher les travailleurs ! Il faut leur donner de bons salaires et puis ensuite ils demandent des augmentations! Il faut payer pour trouver des employés, c’est ça le problème !"
Monsieur Sharfudeen, fabricant de Shuruttu
A entendre, dans "Instantanés du monde, à Trichy" (cliquez ici pour écouter l'émission)

jeudi 5 février 2015

Quand la fumée part à vau l'eau


Ils s’inquiètent tous, de leur avenir
non mais c'est vrai
qui encourage la production du tabac aujourd'hui?
le gouvernement indien assure qu'il cause le cancer
et en plus, interdit le travail des enfants
comment voulez-vous qu'ils ne soient pas inquiets pour leur avenir?
les producteurs de cigares, shuruttu et beedi?
en tout cas, ce ne sont pas leurs enfants qui prendront la suite
Ils sont ingénieurs
dans l'acier
ou producteurs
dans le cinéma
Les ouvriers, eux, travaillent, et mangent, aujourd'hui
demain...
Inch Allah
Ecoutez-les, dans "Instantanés du monde à Trichy" (cliquez ici pour entendre l'émission)

mercredi 4 février 2015

Crachats, glaires et autres glaviots


Nan, j'ai pas goûté
Rien que de sentir la fumée qui s'envolait du shuruttu de Monsieur Sharfudeen
de la couleur d'un pot d'échappement d'un camion indien
J'en suffoquais
lui aussi d'ailleurs
crachant des trucs, entre deux phrases, dans les interviews.
Pourtant les ouvrières m'ont assuré que tout le monde fumait ici
les femmes aussi
en cachette
dans les toilettes
et c'est vrai, dans la campagne environnante j'en ai vu plein
des villageois qui s'emballent le visage dans ces fumées âcres et brunes
Disparaissant subito dans les volutes
comment chantait-il déjà? " Les shuruttu cigarillos ont cet avantage de faire le vide autour de soi..."
A écouter, sans modération, dans "Instantanés du monde à Trichy" (cliquez ici pour entendre l'émission)

mardi 3 février 2015

A la poursuite du shuruttu perdu


On a cherché partout
derrière le marché
dans le quartier musulman
derrière
entendez, dans le bidonville qui se faufile en biais dans les interstices de Trichy
sautant les caniveaux
se perdant mille fois
Johnson-mon interprète- et moi
s'accrochant des brochettes d'enfants aux guiboles
avant d'arriver chez des gens
qui n'en faisaient plus
des shuruttu
Fini
Il faisait quarante degrés
On est rentré un peu las
Raja a persévéré
demandé cent fois
à des passants
se demandant sans doute pourquoi
je ne faisais pas comme tous les touristes, voir le temple, boire un coup, basta
quand j'ai claqué dans mes mains en trouvant Monsieur Kanapan roulant ses shuruttu, il s'est dit qu'on allait faire une drôle de ballade, tous les trois
Premier épisode de cette quête des traditions perdues
dans "Instantanés du monde à Trichy" (cliquez ici pour entendre l'émission)

lundi 2 février 2015

La fin de la tripe


"Il n'y en a plus, c'est fini
Plus personne ne sait faire ça
Ah, autrefois, oui, moi j'en ai vu des centaines d'ouvriers du cigare, mais là, c'est trop tard...
Il n'y en a plus, c'est fini"
Presque
en fait, il en reste au moins deux
ouvriers
je les ai vus
Là, à Trichy
dans leur fabrique
qui n'est en fait, que le palier de la maison de Monsieur Vasu, aménagé en atelier
deux ouvriers, un ventilo, une presse, des lambeaux de peau brune qui embaument
La tripe, enroulée dans un goni
La cape tenue entre les orteils
un peu de fumée
douce
J'aurais pu publier cette image en sépia
Cela aurait donné l'esprit 
Pourquoi on n'en fait plus, des cigares à Trichy?
Ecoutez, ils le vous le diront, dans "Instantanés du monde à Trichy"... (cliquez ici pour entendre l'émission)