mercredi 31 octobre 2012

D'argent et d'acier

Qu'est ce qui le fait rester là?
aux côtés de son père
dans cet atelier minuscule
à travailler treize heures par jour
dans l'acide et la flamme
l'argent et le zinc
le sens du devoir?
- on est orfèvre depuis des générations chez les Pomal...-
l'amour du travail?
- il faut le voir, souder minutieusement de minuscules bouclettes d'argent qui deviendront grelots-
La beauté des femmes essayant les bijoux?
- Mais ce n'est pas lui qui passe les lourds colliers aux cous des femmes-
Elles le font elles-mêmes
Non mais.
Mais on peut quand même les regarder, hein
C'est peut-être tout ça, qui tient Jay, ici, collé à son établi
Mais aussi
l'immense avantage d'un métier manuel
rien de tel pour des pec' d'acier
treize heure de marteau par jour
Body Building, mon cher!
Ecoutez-le, il avoue!
dans: Instantanés du monde à BHUJ
Photographie © Anne Bonneau

lundi 29 octobre 2012

Si j'avais un chalumeau

Un chalumeau
une pince
deux trois marteaux
et c'est marre.
Rien qu'avec ça
les orfèvres du Kutch
vous font des bijoux
rares
et précieux
des choses lourdes
que les nomades portent sur eux
leur seule fortune
avec les troupeaux qu'ils mènent
des choses pratiques
comme les cure-dents et cure-oreilles en argent
qui peuvent servir
aussi
en s'enlever une épine du pied
si si
ils vous le disent, ces orfèvres géniaux
dans : Instantanés du monde à BHUJ
Photographie © Anne Bonneau

vendredi 26 octobre 2012

Bye bye Chettinad

Cela fait vingt ans
que j'ai entendu parler
pour la première fois
du Chettinad
vingt ans
exactement
et bien-sûr, je me suis dit
Il FAUT  que j'aille voir!
Alors vingt ans après
quand j'ai songé à nouveau
ou quand cela m'est remonté aux couches supérieures du cerveau
j'ai douté...
bon sang
vingt ans
tout doit avoir changé!
Ben non
pas vraiment
encore une fois
on dirait
que le monde m'a attendu
en tout cas qu'il est resté
comme je l'avais rêvé...
Que puis-je dire de plus?
Allez!
Celle-ci, c'est la dernière émission des "Instantanés" dans le Chettinad
Mais on a aussi causé d'architecture, de culture, de belles toiles, de belles terres, de dieux féroces, de prêtres sages, de l'eau du ciel, de musique et de vent..., bref, de la vie qu'on vit là-bas...
Photographie © Anne Bonneau

jeudi 25 octobre 2012

Le plastique, c'est chic

Elles tressent, toute la journée
des lamelles de feuilles de palmier teintées
pour en faire des petits paniers
qu'on utilisait autrefois
pour stocker le riz
les grains
le tamarin
pour rapporter du temple
les offrandes
de fleurs
et de fruits
et puis aussi
pour aller au marché.
Aujourd'hui?
Terminé!
elles tressent
pour le marché local
des paniers
en plastique
c'est beaucoup plus chic
"et beaucoup plus solide" dit l'un d'elle
Alors quoi, ces paniers qui leur sortent des doigts, c'est pour qui?
pour l'étranger
"je ne sais pas ce qu'il en font, de ces paniers, à l'étranger!"
Ecoutez-les, dans Instantanés du monde à Athangudi
Photographie © Anne Bonneau

mercredi 24 octobre 2012

Chou blanc


Je voulais les rencontrer 
ces artisans qui fabriquent
ces paniers si particuliers
carrés
fermés d'un couvercle
en feuilles de palmiers.
Facile
je vais au marché
je vois les vendeurs
qui sont aussi, les fabricants
et hop, Johnson prend leurs coordonnées
c'est à dire
le nom de leur village
ou du village le plus proche de leur hameau
et ensuite, une vague indication
pour arriver jusque chez eux
et surtout leur numéro de portable.
Et un jour
convenu avec eux
on y a va.
Et on trouve
à force de se perdre
Ah ben oui mais là
il y a une fête
religieuse
forcément
qu'ils avaient oubliée
forcément
et tout le monde est parti
donner un coup de main
dans le village voisin
ne reste ici
qu'une poignée de gamins
qui s'égayent et s'envolent comme des moineaux
à nous voir
nous
et nos têtes d'avoir fait chou blanc.
Au fait, on en a trouvé
plus tard
de ces vanniers
écoutez-les dans: Instantanés du monde à Athangudi
Photographie © Anne Bonneau

mardi 23 octobre 2012

L'art des apparences

L'atelier de sculpture regorge d'artisans.
Une affaire qui marche.
Posez la question au patron
et il vous répondra qu'ils font
des portes
des portes
et
des portes.
Comme leurs ancêtres faisaient celles des palais Chettiar
trrrrrrrrès ornementées
trop?
Affaire de goût.
Quoiqu'il en soit aujourd'hui
on ne construit plus guère de palais
mais on sculpte toujours des portes
pour les augustes demeures
les modestes chaumières
ou les sweet home de bric et de broc
Parce qu'attention, s'agirait pas de mégoter sur la porte
signe extérieur de richesse
Michel Adment parle plus joliment de " valeur symbolique", dans
Instantanés du monde à Athangudi
Photographie © Anne Bonneau

lundi 22 octobre 2012

Nés par hasard



Ce n'est pas grâce aux richesses du sol
Ni grâce au ciel
Ni grâce au climat
Ni même à la situation géographique
que l'on fabrique ici
depuis des générations
ces carreaux de ciment.
Non, c'est juste qu'un jour
un marchand Chettiar
a dû en voir
quelque part
dans ses pérégrinations
et a aimé cela.
En Europe?
En Inde, importés dans les malles des British de passage?
et a eu envie, d'en daller son palais d'Athangudi
c'est maintenant une tradition ici
ces carreaux de ciment
comme chez ma grand-mère
chez la vôtre aussi, il y en avait?
Ils sont presque pareils, dans le Tamil Nadu
presque
avec un secret de fabrication
révélé, dans : Instantanés du monde à Athangudi
Photographie © Anne Bonneau

samedi 20 octobre 2012

Qui frappe?

Il est très discret
cet artisan laconique
frappant doucement
les motifs de bois sculpté
empesé de pâte colorée
roulant tranquillement le chariot de bois
faisant des aller-retour ralenti
d'un bout à l'autre de la table.
C'est calme
il n'y a pas de vent
pas de mauvaises odeurs
comme on pourrait le penser
quand on parle de teinture
un métronome
cet artisan laconique
écoutez-le dans Instantanés du monde à Ajrakh Pur
Photographie © Anne Bonneau

vendredi 19 octobre 2012

Racines de rhubarbe et pelure d'oignons

 ce sont les choses avec lesquelles les teinturiers du Kutch travaillent
et aussi le curcuma
et l'indigo
que l'on trouvait autrefois dans le désert
après les pluies
quand il y avait des pluies
et que l'on travaillait en pâte
dans les rivières
quand il y avait des rivières
Aujourd'hui de méga usines textiles moulinent
à une encablure de là
imprimant à tire-larigot
du polyester
que les villageois préfèrent
au coton teint
d'indigo
de curcuma
de pelure d'oignon
et de racine de rhubarbe
écoutez-les dans Instantanés du monde à Ajrakh Pur
Photographie © Anne Bonneau

jeudi 18 octobre 2012

Le vent

Il est partout
il n'arrête pas
jamais
pas même le soir
ni au petit matin
il fait tout voler
des jupes aux nuages
et quand il s'enroule dans mon micro
Denis, le technicien qui a fabriqué cet "Instantané" avec moi
n'aime pas
mais pas du tout.
Non pas qu'il n'aime pas le vent
Mais pas le vent dans le micro
le vent dans les branches, il adore
moi aussi hein
mais y'avait pas de branches...
Photographie © Anne Bonneau

mercredi 17 octobre 2012

Ton nom, ton métier

Khatri.
Il se présente comme ça
Son prénom, son nom, sa communauté
qui signifie aussi
son métier
dans ces villages insulaires
du désert du Kutch
autarcie obligée
et à chacun son rôle
son métier
la fierté de son nom
de son savoir-faire
être Khatri, ici
ça signifie
être un maître
être un roi
dans l'art de l'impression textile
dont tout le monde a besoin
ou avait besoin
avant que les îles ne trouvent des ponts vers l'ailleurs
vers l'industrie
Khatri
Combien de générations pourront encore prononcer ce mot
avec fierté?
Ismaël Khatri vous donne la réponse
Instantanés du monde à Ajrakh Pur
Photographie © Anne Bonneau

mardi 16 octobre 2012

Langage des blocs

Une fleur?
Une étoile?
Une mangue?
Une feuille de je-ne-sais-quoi?
Allons donc!
Ces blocs de bois sculptés
accessoires indispensables de l'impression textile
ont beaucoup plus de choses à dire
que cet inventaire
botanique
tronqué
si ce n'est
décapité par mon ignorance...
derrière ces charmantes volutes
se dessine
votre statut social.
Pas moins.
Si vous faites partie de telle communauté
Jat, Maldari, Rabari, que sais-je encore
vous ne porterez pas les mêmes fleurettes sur vos jupettes
que vos voisines
de la communauté Aahir, Mochi, Sodha, que sais-je encore
eh
et même plus
si vous êtes mariées, vous n'aurez pas droit
aux fleurettes des jeunes filles
et au motif ( lequel?) des veuves.
Feuille de truc
fleur de machin
volutes
spirale
étoile
Allons donc!
On vous les décortique, dans
Instantanés du monde à Ajrakh Pur
Photographie © Anne Bonneau

lundi 15 octobre 2012

De rives en lisières

Il vit dans un village du Kutch
à la frontière du Sind
qui fait partie maintenant du Pakistan.
Ses ancêtres sont arrivés là
depuis longtemps
il ne sait pas trop, au juste
mais estime que cela devait être après un de ces grands tremblements de terre
qui secouent, ici, tous les deux siècles
emportant les hommes
obligeant les monarques
à repeupler leurs royaumes
avec du sang neuf
et si possible
avec ce qu'il y a de mieux
comme sang
dans tous les domaines.
Les meilleurs des hommes s'établissent ici
et se coulent dans le paysage
Ismaël Khatri s'est donc glissé avec sa famille aux bords des rivières
jusqu'à ce que les rivières s'assèchent
plus possible alors de continuer à vivre de son art
la teinture des tissus
A moins que...
écoutez les solutions et les interrogations de ce maestro de la teinture et de l'impression dans
Instantanés du monde à Ajrakh Pur
Photographie © Anne Bonneau

vendredi 12 octobre 2012

Crincrins et autres guimbardes

Je sais qu'il me soupçonne
de le faire exprès
quand je travaille avec lui
exprès de choisir des sujets
avec des sons pas très...
comment dirais-je?
pas très...
harmonieux?
Il n'en est rien
vous pensez bien
Mais c'est vrai que c'est pas de chance
pour Pierre
c'est toujours lui qui tombe sur les sujets
genre
école de musique dans l'Himalaya
oooooh les flûtes et harpes en cacophonie...
élèves apprentis en nadaswaram dans le Tamil Nadu
aïïïïe les grincements nasillards et autres canards
Eh, c'est pas un métier facile, hein
et encore
je fais un tri sélectif
pour éviter d’abîmer les oreilles sensibles
des techniciens qui travaillent sur Instantanés...
Pierre ne vous en a gardé que des échantillons nécessaires-et-suffisants
de ces volutes déchirantes...
écoutez, si si, vous pouvez, dans:
Instantanés du monde à Koviloor
Photographie © Anne Bonneau

jeudi 11 octobre 2012

Recrute, désespérément

Des jobs à prendre
il y en a presque autant
que de divinités
en Inde.
dans les temples, tenez
comme ici
à Koviloor
on en cherche, des employés
et attention, hein,
pas du menu fretin
des artistes
qualifiés
des musiciens
pour ne rien vous cacher
qu'est-ce qu'on gagne?
Deux ou trois fois le salaire moyen
plus qu'un diplômé
mais que voulez-vous
ces métiers-là n'ont plus la côte
Plus de musique vivante dans les temples
des enregistrements
des sonos
de l'électrique
du synthétique
du mantra, made in polyester
écoutez, c'est Swami Meyyappan qui le dit, dans :
Instantanés du monde à Koviloor
Photographie © Anne Bonneau

mercredi 10 octobre 2012

La mémoire à vau-l'eau

Il murmure
il cherche
ses lèvres bougent
pas ses yeux
les trois élèves patientent
devant lui
devant ce vieux professeur de tavil
aveugle
qui cherche
murmure
se remémore
les phrases musicales
les rythmes propres à son Dieu
les garçons attendent
sans broncher
que les Ta Da Da Di Da
franchissent ses lèvres
qu'il leur livre
la vraie rythmique
juste
ils s'en saisissent alors
la notant presto dans leur cahier
la répétant
en les entendant
la voix du vieux professeur devient plus assurée
il répète
ils répètent
il répète encore
asséchant ses lèvres
des rythmes oubliés
écoutez-le, dans :
Instantanés du monde à Koviloor
Photographie © Anne Bonneau

mardi 9 octobre 2012

Mélopées, mais loupées...


Monsieur Ganesha aime son nadaswaram.  
Faut dire 
qu'il est tombé dedans quand il était petit.
Est-il alors 
totalement objectif?
quand il parle de lui...
quand il dit, sans rire,
qu'il suffit d'entendre jouer cet instrument 
à la nuit tombée 
au loin 
pour être aussitôt envahi 
par la quiétude
voire, la béatitude.
Sans rire. 
Ça doit être culturel
l'appréhension des sons 
que l'on puisse savourer une sonorité pareille
mâtiné du chant des grillons 
m'interpelle...
peut-être si on le joue, au lointain, au très lointain...
écoutez-le, dans :
et donnez-moi votre sentiment sur la question, de ce son...!
Photographie © Anne Bonneau

lundi 8 octobre 2012

A la recherche de la fraîcheur perdue


Dehors, il doit faire près de 40°C 
est-ce pour cette raison qu'ils sont là?
assis sur les carreaux 
à écouter l'assistant de Monsieur Ganesha marteler
hacher
disséquer
asséner
les notes
les motifs musicaux 
la moindre ligne 
que joue le professeur sur son nadaswaram
tandis que l'élève doit répéter.
Tout en broyant l'air de son éventail de palme.
Est-ce pour cette raison qu'ils sont là?
La fraîcheur du sol 
au fond de l'ashram de Koviloor
à l'ombre
des heures 
loin du monde 
le cerveau grillé par les stridulations de l'instrument
pour cette raison, peut-être
et pour tant d'autres...
à découvrir, dans: 
Instantanés du monde à Koviloor
Photographie © Anne Bonneau

vendredi 5 octobre 2012

Vive comme le vent

Naina est un feu follet
sans-doute une des plus jeunes
de ce groupe de huit femmes
couvreuses
habilleuses de toits
dans le Kutch.
Naina est vive
rapide
drôle
et futée
elle m'appelle, dès que Souman se met en cuisine : "sound! sound!"
ravie de me faire tout entendre
durant les interviews, quand tout le monde parle à la fois
elle donne des numéros
et demande aux filles de dire leur nom
avant de prendre la parole
et tout ça
avec ce sourire merveilleux
qui ne la quitte pas.
Au bout d'une journée
tout le monde l'appelle "l’assistante d'Anne"
alors, elle sourit
Ecoutez-là, dans :
Instantanés du monde à Pareshwar Mankua Vali
Photographie © Anne Bonneau

jeudi 4 octobre 2012

Chapeau d'paille

C'est son métier à Maddhu Bahan
faire des chapeaux de paille
pour les maisons
une solution traditionnelle
dans une contrée où la terre tremble
où les vents s'amusent à s'enrouler en tornades
où la pluie boude
durant des mois
voire, des années...
Bref, le chapeau idéal
l'activité rêvée
pour ces femmes
actives
ces femmes
fortes
ces femmes
indépendantes
un métier simple
et efficace.
Et dangereux aussi
Naina parle de la peur de tomber
de la peur des incendies
de la peur des serpents
qui aiment la paille
Maddhu ajoute, la peur des hommes
qui boivent, le soir
qui vivent là aussi
loin du monde
se rapprochant des chantiers de ces femmes
actives
fortes
et néanmoins fragiles
écoutez-les, dans:
Instantanés du monde à Pareshwar Mankua Vali
Photographie © Anne Bonneau

mercredi 3 octobre 2012

Eh bien, chantez maintenant!

ça commence comme ça
en décortiquant les dattes
il y en a une qui lance un air
que les autres reprennent illico
et ça se poursuit
crescendo
on enchaîne
une chanson
une autre
Babi Bahan et Maddhu Bahan sont les stars
les plus jeunes en redemandent
en dansant.
Oubliés les cals
les gerçures
les disputes
la fatigue
et quand les chants cessent
les rires crépitent en écho
car enfin,
entendre sa voix
pour la première fois
ne laisse jamais indifférent...
écoutez-les, dans
Instantanés du monde à Pareshwar Mankua Vali
Photographie © Anne Bonneau

mardi 2 octobre 2012

la vie parrallèle

Tout le monde était très occupé
à montrer ce que chacune sait faire
à expliquer depuis quand
comment
et autre pourquoi
et lui
il faisait sa vie
en marge de cette excitation.
Un vieil homme
veillant sur le champ de ricin
sur les trois vaches
vivant ici
sous l'arbre de la cour
où il tire son lit de corde
dépliant son turban
le posant sur son visage
et ignorant fissa le reste du monde
plongé dans une sieste
que ne tourmentent
ni les rires des femmes
ni leurs chants
écoutez-le, dans:
Instantanés du monde, à Pareshwar Mankua Vali
Photographie © Anne Bonneau

lundi 1 octobre 2012

chantiers de ville, chantiers de champs

Elle sont huit femmes
vivant dans ce chantier de construction
loin
loin des villes
loin des villages
dans les collines du Kutch
elles couvrent
le toit d'une ferme
un chantier qu'elles sont fières d'avoir obtenu
et qui les attache là,
durant quelques semaines
loin des villes
loin des villages
liées à la course du jour
débutant dès potron-minet
redescendant à la nuit tombée
avec ces pauses
le thé
un repas
notre visite qui les enchante
aujourd'hui, elles passeront plus de temps sur la terre
qu'accrochées aux rafales de vent
elles vous racontent, dans :
Instantanés du monde à Pareshwar Mankua Vali
Photographie © Anne Bonneau