samedi 30 mars 2013

De la terre, des dieux, du sang et du vent

Devant la salle de danse
à Palakkad
s'enchevêtrent des arbres
dans un bois sacré
entouré de murets.
Des statues de serpents
y sont représentées.
Les femmes rentrant des champs
portant des fagots de bois
sur leur tête
en passant
s'inclinent
quand même
un tantinet
devant.
Dedans
les filles s'inclinent
devant Parvati
et ondulent
comme le vent
sur les champs de riz.
Il faut tout ça
pour que le Mohiniyattam prenne vie.
De la grâce
et du vent.
Entre danse sacrée
et danses des entrailles
c'est selon.
Mais dans les chorégraphies
il est toujours question
de sang
et de dévotion
Ecoutez, dans "Instantanés du monde, à Palakkad"

Photographie © Anne Bonneau

vendredi 29 mars 2013

Expression d'émotion, mode d'emploi

Mais non
elle ne boude pas
cette donzelle.
Elle fait
le Bouddha.
Paf, d'un coup, comme ça!
Assise sur sa natte
devant son gourou
qui lui lance
des noms d'émotions
elle obtempère
elle les vit
elle les exprime
du visage.
Béatitude?
voilà.
Colère?
La belle souffle et rougit
sans un mot
Chagrin?
Les larmes perlent
et les miennes aussi
du coup.
Petite leçon de vibrato d'émotions
c'est là
dans "Instantanés du monde à Palakkad"

Photographie © Anne Bonneau

jeudi 28 mars 2013

La scène nationale

Oh, la chance!
Juste
quand on arrive
les filles
ont une scène
à Palakkad
le lendemain!
trop de chance!
Bon.
Palakkad?
c'est encore dans le Kerala
pas trop loin
donc.
Pas trop loin
en prenant la National Highway.
Sauf que.
une National Highway
dans le Kerala
c'est un trafic de périph' le vendredi soir
sur quatre ou cinq voies
d'une route
qui n'en fait que deux.
Quatre heures de route
entre camions de paille, de bois, de gaz, de trucs en sacs
quatre heures aller
quatre heures retour.
Oui mais
regardez ce qu'on a trouvé à Palakkad!
écoutez!
Dans "Instantanés du monde"

Photographie © Anne Bonneau


mercredi 27 mars 2013

Avant de savoir

Avant d'entrer sur scène
elle donne ses bracelets de chevilles
à son gourou
qui les bénit.
Elle récite une prière
à Shiva
à Parvati
Parvati surtout
l'inspiratrice.
Elle sourit.
Elle enlève le châle de laine
posé sur ses épaules
Et elle entre
comme on entre
je sais pas moi
au café.
Bref.
Pas peur.
"Elles dansent en public depuis leur plus jeune âge.
Avant même de savoir
ce qu'est la peur" Niramala Paniker
Ecoutez-la dans "Instantanés du monde à Palakkad"

Photographie © Anne Bonneau

mardi 26 mars 2013

Moins, c'est mieux

On a eu du mal à la trouver
cette école de danse
Natanakaisiki.
dans un village
du Kerala
loin du village
entourée de villas.
Je cherchais
une école
je guettais
les voix d'enfants
les claps
des percussions.
Rien.
Juste
Nirmala
qui crie au dessus d'une haie
pour appeler
une élève.
Qui apparaît en une minute
prête
comme si
elle n'attendait que cela
ce cri
cet appel
de son gourou.
"On n'a pas besoin de centaines de danseuses. Une ou deux excellentes suffisent"
C'est la théorie de Nirmala.
Pour la pratique, écoutez-la, dans "Instantanés du monde à Palakkad"

Photographie © Anne Bonneau

lundi 25 mars 2013

Mon gourou et moi

Un gourou
c'est quelqu'un
que l'on suit
pas à pas.
sans poser de questions
en étant sûre
qu'il est
le Bon.
Ici, le gourou
s'appelle
Nirmala Paniker
une danseuse de Mohiniyattam
qui mène
sa pincée d'élèves
- qu'elle appelle ses enfants-
à la baguette.
On peut trouver ça dur.
Mais c'est la danse.
On peut trouver ça cruel.
Mais c'est l'art.
On peut trouver ça fou.
Mais c'est la vie.
Suivre un gourou
c'est l'expérience qu'a fait
"Instantanés du monde à Palakkad", écoutez...
Photographie © Anne Bonneau

Eh bien, dansez maintenant!


samedi 23 mars 2013

A quoi bon vivre ici?

"Pourquoi je vis ici?
Non mais regardez tout autour!
Cette beauté!
Regardez!
C'est le paradis ici!
Et c'est à qui ce paradis?
A moi!!!"
Ecoutez Youssouf, le pêcheur
dans "Instantanés du monde, à Periyar"

Photographie © Anne Bonneau

vendredi 22 mars 2013

Perdu, deuxième

Enfin, perdu,
pas comme ici
où l'on était vraiment
perdus.
Ni comme là-bas
où j'étais perdue
pour de rire.
Là,
on n'est pas seul
n'empêche.
En deux-trois pas dans la forêt
on se sent
un peu
petit poucet.
Le soleil s'amuse avec vous
les oiseaux font des bruits
de singe
et vice-versa
et votre guide-ange-gardien
vous assure
que de toutes façons
pas la peine de s'inquiéter du tigre
ou des éléphants sauvages
ou des bisons
-nettement plus nombreux que les tigres-
car vous ne les verrez
que lorsque vous butterez dessus.
ça c'est sûr,
on voit rien
dans cette forêt!
Et alors?
Et alors, il sera trop tard.
C'est marrant
comme il arrive
à garder son sourire.
Je n'ai vu ni éléphant
ni tigre
ni cobra royal.
Juste des guêpes
et des sangsues.
Nettement moins sexy.
Dans le journal
le lendemain
était décrit
le trépas
de deux dévots
en pèlerinage
dans la réserve
qui avaient eu l'occasion
eux
de rencontrer
un éléphant.
Ecoutez, non pas les éléphants
mais les oiseaux
insectes
guide-ange-gardien
et moi qui tremble
oh, juste un peu
dans "Instantanés du monde à Periyar"
Photographie © Anne Bonneau

jeudi 21 mars 2013

ça t'étonne?

Ben oui
ça m'étonne
ce que vous me dites.
Les pêcheurs rient
s'esclaffent à mes questions
je suppose
que je dois
écarquiller les yeux
à leurs réponses
m'esclaffer moi aussi
alors.
Sourire.
Pas comme Baby
que vous voyez

qui se renfrogne.
Me tourne le dos.
Il faudra
s'arrêter
longtemps
parler
longtemps
se faire moquer
pour qu'enfin
elle esquisse
aussi
une amorce
d'invite.
Les autres la bouscule
"Prenez-là en photo!"
Elle pose
juste ce qu'il faut
ni trop ni trop peu
non?
Ecoutez-les rire, dans "Instantanés du monde à Periyar"
Photographie © Anne Bonneau

mercredi 20 mars 2013

Menu fretin

Elle vient là tous les matins
Pooni
elle quitte sa colonie
traverse la réserve
et pêche
de minuscules
poissons
attrapés
dans une assiette creuse
bourrée d'appât
minuscule
miettes de riz
termites
une assiette couverte d'un linge
percé de petits trous.
Placer les assiettes
attendre
attendre
attendre.
ça laisse du temps.
pour
tomber amoureux.
Un jour, il y a quarante ans
Youssouf
a vu
Pooni
et bing
appâté
amoureux
de cette sirène d'eau douce
Il est musulman
elle est adivasi
un mariage d'amour.
Ecoutez les dans "Instantanés du monde à Periyar"
Photographie © Anne Bonneau

mardi 19 mars 2013

Qu'est ce qu'on mange?

Il était une fois
une forêt
qui nourrissait
ses habitants.
Bon.
Il y a longtemps, hein.
Fini
maintenant
les "tribal population"
comme on dit là-bas
dans le Kerala
n'ont plus le droit
de venir se servir
sur les terres ancestrales.
Le miel, passe encore.
Le gibier, fini.
Un pêcheur
(pêcher, c'est possible
si l'on montre
patte blanche
enfin
certificat
de tribalitude)...
Un pêcheur donc
me dit
"Impossible de braconner
même les cochons sauvages
ils me chopent, les gardiens
à tous les coups!"
Il rigole.
Mani, le fier gardien au sourire indéfectible
sourit
donc.
Un peu jaune.
Quoique.
Il est hyper au courant
lui aussi
du prix de vente
d'une peau de tigre
par exemple.
Ecoutez-les, dans "Instantanés du monde à Periyar"
Photographie © Anne Bonneau

lundi 18 mars 2013

Retenir son souffle

Retenir son souffle
c'est la seule chose à faire
lorsque l'on se retrouve là
sur un radeau de bambou
glissant
sur le lac de Periyar.
Parce qu'une telle beauté de son
y'en n'a plus
ailleurs
dans le monde
on n'en trouve plus
ma bonne dame!
Pas un véhicule.
Pas même un avion.
Seules
des myriades
d'oiseaux
de grillons
et autres insectes
indescriptibles.
écoutez
dans "Instantanés du monde à Periyar".
Ah si.
Il y avait bien
tout de même
le téléphone portable de Johnson
que j'ai fusillé
dès que je l'ai entendu
fusillé de la voix
s'entend.
Pardon, si j'ai été un peu rude
Mais là, quand même
ça s'fait pas!
Photographie © Anne Bonneau

samedi 16 mars 2013

Bavardages et polissages

Pas un bruit
dans l'atelier
de fabrication
de miroirs.
Hormis
la circulation dehors,
les râpes sur le métal
qui me font hérisser le poil.
Pas de bavardage
là.
Des hommes
silencieux.
En revanche
dès que Mohan
ouvre le bec
pour nous raconter,
sa madame
derrière
commente
le moindre
de ses mots!
Je fronce les sourcils
Johnson tente de l'apaiser
d'un subtil mouvement du poignet
rien à faire
elle ne comprend pas
qu'on essaie
gentiment
de lui dire
MAIS LAISSE LE PARLER!
A écouter, dans "Instantanés du monde à Aranmula"

Photographie © Anne Bonneau

vendredi 15 mars 2013

O temps suspend ton vol

Il faut quoi?
Pas grand chose
finalement
pour faire des miroirs
de métal poli.
Le secret de l'alliage
du savoir-faire
de la patience
du temps
du temps
beaucoup de temps.
Silveraj se gratte la tête
ce qui risque de lui manquer
demain
c'est la terre.
l'argile.
nécessaire pour faire les moules
des miroirs
Il la prend où?

dit-il
en montrant les bosquets en bas de son atelier.
C'est là
juste en bas
de l'atelier
que devrait être
construit
un aéroport.
Oui

dans ce village
du Kerala.
Fin d'un monde
à Aranmula ?
Ecoutez
encore un instant
le temps
suspendu
dans "Instantanés du monde à Aranmula"

Photographie © Anne Bonneau

jeudi 14 mars 2013

Pas de prière, pas de photo

Pas une journée de travail
qui ne commence
sans
une visite
au temple.
Il est comme ça, Mohan.
Son travail
c'est sacré
pour débuter
il faut
une bénédiction.
Sinon?
Sinon, répond-il à l'incrédule
le miroir peut se casser
l'alliage, l'ébouillanter.
Alors pas question pour moi
de tenir ce miroir
que Silvaraj a mis
sept mois
à achever.
Non.
Même pour faire une photo.
Non.
Je ne veux pas le tenir dans mes bras.
Non.
Pas de bénédiction
pas de risque
inconsidéré
insensé.
Sept mois.
Oulala.
Ecoutez-le, dans "Instantanés du monde à Aranmula"

Photographie © Anne Bonneau


mercredi 13 mars 2013

Friture de gasoil

Toute la sainte journée
ils frottent
ils polissent
ils raclent
à l'émeri
à la toile de jute
au coton épais
au velours.
Et frott
et fritt
et frott
et fritt.
Une aubaine
pour une amoureuse de sons
et frott
et fritt
Las.
c'était sans compter
sur la friture
autour

juste en bas
l'atelier
grand ouvert
sur la route
où passent les bus
en pétaradant.
Rien à faire
noyée dans la friture
le frottement délicat
du miroir sur le velours...
Bon, il se passe d'autres choses, hein
dans "Instantanés du monde à Aranmula"!

Photographie © Anne Bonneau

mardi 12 mars 2013

Nouvelles technologies

Il est très fier
Monsieur Silveraj
d'être né
dans cette famille
bénie des dieux.
Vous pensez
c'est à ses ancêtres
qu'a été révélé
le secret
de fabrication
de ces miroirs.
C'était quand?
Oh, depuis des lustres!
Des générations de Silveraj
ont manié ainsi
le marteau
le poinçon
l'argile
l'émeri
le cuivre
et l'étain.
Silveraj XXIème siècle, lui,
cherche à apporter
de subtiles variations
dans la technologie
du miroir poli.
Il cherche.
Il trouve.
Il est fier.
Il partage avec vous sa fierté, ses doutes, ses difficultés et l'amour de son métier
dans "Instantanés du monde à Aranmula"

Photographie © Anne Bonneau

lundi 11 mars 2013

De l'autre côté du miroir


Ils sont hyper connus. 
Parait-il. 
Bon. 
Moi je connaissais pas 
les miroirs
d'Aranmula. 
Des miroirs 
faits d'un alliage secret
de métaux. 
Des miroirs 
inspirés
du savoir faire
du Grand Architecte Divin
himself.
Et c'est là
dans ces ateliers
rudimentaires
que naissent
ces oeuvres 
géniales...
Ecoutez les artisans de ce village du Kerala
Photographie © Anne Bonneau

vendredi 8 mars 2013

La peur

Ce sont de jeunes mariés
du coin
du coup,
tient,
ils font des photos
devant un éléphant
d'ici.
Sauf que
la donzelle
a une peur bleue
de l’éléphant.
Tous s'y mettent
le mari
le photographe
le cornac
l'assistant
pour la supplier
de poser
juste à côté d'Eva
l'éléphante
un clic
et c'est tout.
Après
elle a filé
sous les rires gras
des gars.
Amman Deep Kaur, elle, vous explique
sans rire
sans se moquer
pourquoi
on peut avoir peur
d'un éléphant
"Une peur, enracinée..." dit-elle
dans "Instantanés du monde à Konni"
Photographie © Anne Bonneau

mercredi 6 mars 2013

Les suivre, pour voir

Ils nous ont prévenus.
"Vous voulez nous suivre???
Mais c'est très loin!
La rivière!
Au moins...
une heure de marche!"
Johnson voulait prendre un rickshaw
pas question
ou comment alors
enregistrer
le tintinabulement
des chaines de l'éléphant
quand il marche
et puis bon
rien de tel
qu'une sortie
pour observer
la relation
de la population
et de l'éléphant
non?
Pendant tout le cheminement
jusqu'à la rivière
le cornac lançait
des regards en arrière
vers nous
histoire de voir
si l'on ne s'approchait pas trop
de l'animal.
Nerveux
il était
le cornac
et l'animal aussi
du coup.
Ecoutez-les, tous les deux, dans "Instantanés du monde à Konni"

Photographie © Anne Bonneau

mardi 5 mars 2013

Jeunesses!

C'est souvent comme ça
quand on arrive
dans un endroit
un peu officiel
style
l'office des forêts
on nous propose
de rencontrer
le chef.
même si nous,
à Instantanés du monde
c'est pas vraiment
pas toujours
pas souvent
les chefs
avec qui on veut parler.
Mais bon.
On nous propose de rencontrer le chef
on y va
en attendant
que le cornac d'Eva
pointe son nez
par là.
En vérité en vérité
le chef
était
une chef.
Une jeune femme.
Très jeune
passionnée
vive
intelligente
et curieuse
Bref
tout ce qu'on aime
dans Instantanés!
Ecoutez Amman Deep Kaur, dans "Instantanés du monde à Konni"
Photographie © Anne Bonneau

samedi 2 mars 2013

Du vent!

Voilà,
on se quitte.
Cette rencontre
avec
le Kutch
s'achève.
J'ai envie d'ajouter
cette première rencontre...
Nostalgie?
Non.
Lucidité.
Et devant moi
un bout de papier
griffonné :
Une liste
de TOUS
ceux que je voulais rencontrer
de TOUT
ce que je voulais voir
et comprendre
et que je garde
pour la prochaine fois!
Allez zou
de l'air!
dès la semaine prochaine
je vous incite
au grand vert
ça va changer
des tourbillons de poussière...

Photographie © Anne Bonneau

vendredi 1 mars 2013

Dépoussiérez!

Autrefois
enfin,
un petit autrefois
hein
y'a pas si longtemps
on faisait
le même métier
que Papa.
Enfin
évidemment
je parle seulement
pour les gars
hein.
Bon.
Aujourd'hui
on a le choix.
Ici
en Inde
on commence
aussi.
Visenjibai Gajar
hausse les épaules.
"Enfant, on passait notre vie à l'atelier! On comprenait très vite à quoi servaient les outils, on savait comment fabriquer, on comprenait facilement. Mais aux élèves d'aujourd'hui, on doit tout apprendre!"
Comment dépoussiérer l'artisanat?
Il l'explique, dans "Instantanés du monde, chez les bâtisseurs du Kutch"

Photographie © Anne Bonneau