vendredi 29 juin 2018

Puis-je vous aider ?

D’abord, il n’était pas prévu que je reste. 
Alors j’étais venue comme ça
en parasite-minute
débarquant 
– et néanmoins accueillie- 
par ceux qui passent leur vie
ou du moins une bonne tranche de leur jeunesse – 
loin du monde. 
Et qui ont quitté leur terre
leur famille
leur quotidien
voire
leurs amoureux
peut-être par passion pour la faune ici unique
et peut-être aussi
juste
pour être 
un peu
loin du monde. 
Pas de quoi se réjouir de voir débarquer une personne de mon acabit. 
Qui ne connaît rien de ce milieu 
– fort peu documenté, à ma décharge- . 
Qui casse les terriers des oiseaux 
(oui, les oiseaux vivent dans des terriers là-bas…) 
en un ou deux faux-pas. 
Et qui pose mille questions
sans doute idiotes
au moins naïves. 
Alors évidemment
la moindre des choses
pour moi
c’est aussi
de donner un coup de main
une fois mon travail terminé 
(est-il parfois terminé, j’en doute…) 
Bref.
Le bateau allait arriver pour me rapatrier sur la terre des hommes
des bidons de déchets attendaient de traverser l’île jusqu’au promontoire de débarquement
et les bras étaient rares. 
Alors je me suis proposée. 
Les bidons étaient très lourds. 
Les gars avaient autre chose que moi, dans les bras. 
Ils courraient vite. 
En un instant, j’ai été distancée. 
En fait, vous ne le croirez pas, mais encore une fois, si si, c’est possible
perdue
dans une de ces gorges magnifiques. 
Et alors, vous faites quoi, là ? 
Sortir un téléphone portable
c’est possible
pour dire quoi ? 
Je suis où, là ? 
J’ai crié
plus fort que les oiseaux
en voyant passer quelqu’un au loin
un truc genre « Je suis sur le bon chemin, là ?». 
Les gars ont rigolé
 « on croyait qu’on t’avait perdue ! ».
venez vous perdre, dans "Instantanés du monde sur l'île ronde"
Photographie © Anne Bonneau

mercredi 27 juin 2018

Glissando delirioso

Ce n’est pas pour une séance d’aqua-truc de nouvelles génération
style le dernier sport d’eau à la mode. 
Ce n’est pas pour faire les fous
les malins
les acrobates
les James Bond
que ces frêles donzelles et ces jeunes jouvenceaux sont harnachés de si modeste façon. 
Ni pour un jeu que le divin marquis ne renierait pas. 
Non. 
Juste, parce qu’ils ont peur de glisser sur la roche nue. 
Et qu’il faut bien réceptionner les colis
bidons
plaques de contreplaqué
reporters en goguette 
arrivant sur le bateau des gardes-côtes. 
Parce que c’est le seul accès à l’île ronde. 
Et que tout autour naviguent les requins. 
Faut pas se rater. 
« Attendez la vague », me crièrent les îliens 
alors que je titubais sur le pont. 
Enfin, ça va, mon magnéto était dans un bidon étanche.
Venez! L'accès se fait par là, en toute sécurité : "Instantanés du monde à l'île ronde"
Photographie © Anne Bonneau

lundi 25 juin 2018

Bien dormi?

" Bien dormi?"
" Ah oui, super!"
" Tiens, c'est bizarre, quand ils passent la première nuit sur l'île Ronde, les gardiens ne peuvent pas fermer l'oeil..."
J'écarquille un peu les yeux 
( pour les garder plus ouverts...)
et m'étonne 
comme quelqu'un qui fait sa maligne...
Évidemment que je n'ai pas pu fermer l’œil 
mais je ne vais tout de même pas l'avouer
alors que je suis aux anges d'être ici.
Il m'a fallu quelques mois pour obtenir l'autorisation de venir poser le pied dans cette réserve naturelle mauricienne
Alors quand j'ai obtenu que les garde-côte m'y déposent avec une autorisation de deux heures seulement, j'étais trop heureuse
Et quand le temps s'est gâté
et que le petit bateau nous a appelé par radio pour nous dire que finalement, ils ne pouvaient pas revenir me chercher
j'ai sauté de joie.
Il y a eu alors de belles interviews avec la pincée de scientifiques et les deux gardiens qui vivent là
Une partie de pêche au soleil couchant
Un cari de poisson
et 
la nuit.
Où les lézards de Telfair vous grimpent dessus quand vous dormez
et si vous les embêtez
par exemple
juste
si vous vous tournez dans votre sommeil
et qu'ils se trouvent contre votre flanc
ils mordent.
Et vous ne les entendez pas venir
parce que les fouquets hurlent chantent, comme des fantômes.
"Bien dormi?"
" Ah oui, super!"
De toutes façons, pour rien au monde je n'aurais manqué le lever du soleil sur l'île plate
Le bateau viendra bien assez tôt me reprendre...
Une journée à l'île Ronde, c'est à écouter, dans "Instantanés du monde, sur l’île ronde"
Photographie © Anne Bonneau

samedi 23 juin 2018

Entre nous

Assis sur les tapis
chez Husseina
on discute
avec elle et sa belle soeur Zahara.
On boit des jus de fruits
Zahara a les mains peintes de henné
et Husseina m'assure
qu'elles, 
les Bohras,
sont très différentes
des autres musulmanes.
Du vêtement
à la façon de penser
de l'éducation
à la façon de prier
tout diffère!
Alors évidemment
quand il s'agit
de caser les enfants
il vaut mieux
selon elle
rester
au sein
de la communauté
et si possible
d'une famille de Sidhpur.
Quand bien même 
les enfants 
sont ingénieurs
à Atlanta.
Photographie ©Anne Bonneau

vendredi 22 juin 2018

Superlatifs et autres artifices

On m'avait dit
"c'est incroyyyyyable cet endroit!
tu n'en revieeeeeeendras pas!"
Bon.
Quand on me dit ça
j'opine, ah bon
et je me méfie.
Tout comme lorsqu'on me dit
"Y'a rien à voir"
Ben voyons
impossible.
Oui
mais là
quand Bhuni est arrivée
avec ce bouquin entre les mains
"The Vohrawaads of Sidhpur"
écrit par l'architecte Zoyab Kadi
alors là
je me suis dit
Incroyyyyyyable! j'en reeeeeeeeviens pas!
Il FAUT que j'y aille.
Eh bien c'était vrai!
ça n'avait pas disparu hier sous les pelleteuses ( ça arrive)
et c'était vraiment 
des quartiers entiers
de ces demeures d'un autre âge.
Bon, pas à l'échelle du Chettinad quand même...
( jetez un coup d'oeil au Chettinad, là )
Mais de quoi s'extasier
oui.
Parce que derrière les façades
il y a aussi
des vies.
Photographie ©Anne Bonneau

jeudi 21 juin 2018

Pas de ça entre nous!

C'est la prunelle de leurs yeux
ces maisons de famille
ce qu'ils ont de plus précieux
je n'ai pas dit de plus cher.
Sûrement pas de plus cher...
Mais la communauté Bohra
entretient autant que faire se doit
ces demeures de Sidhpur
où ils ne se rendent
qu'une fois l'an.
Alors ils se sont dit comme ça
pourquoi ne pas les ouvrir
aux visiteurs?
Leur faire partager
notre mode de vie?
Chambres d'hôte ça s'appelle.
Pourquoi pas?
C'est en train de se mettre en place, ici
il y a matière
il y a aussi la volonté
pas vraiment la nécessité
l'argent ne manque pas...
Juste, le désir de partager
ou peut-être
de voir
un peu plus souvent
les volets grincer
les portes claquer
des enfants
jouer
sur les perrons
des vendeurs de légumes
crier au petit matin
entre les façades décorées.
La vie, quoi.
Ecoutez les Bohras envisager ce chambardement
Photographie ©Anne Bonneau

mercredi 20 juin 2018

Féminin pluriel

Il est fier, Asger
Il peut non?
Non, non, 
c'est pas sa fille, là, sur la photo
c'est pas pour ça!
Mais c'est un peu sa fille quand même, en fait.
C'est une école
à Sidhpur
financée
par les Bohras
partis ailleurs
pour faire fortune
ou du moins, pour vivre
et qui n'oublient pas
d'aider ceux qui sont restés
et qui ne sont pas
forcément
des Bohras.
Ces donzelles
sont musulmanes
et Asger est fier
de les voir là
sur les bancs de l'école.
C'est nouveau.
Avant
les filles
restaient à la maison.
Il est fier, Asger
il peut!
Photographie ©Anne Bonneau

mardi 19 juin 2018

Passage obligé

Comme nous voulions suivre
pas à pas
les pérégrinations
des Bohras
en terre natale
ils nous disent
allons.
Allons voir l'Amil.
Ah.
Comme ce n'était pas tout près
j'ai eu le temps
de demander
ce que cela pouvait bien être
un Amil.
Autorité religieuse
m'a t-ton répondu.
Une sorte de Dai, alors?
Sourire
ouf, j'avais vu juste
un sous-Dai, oui, nommé par le Dai.
Le Dai, vous le connaissez
c'est le chef spirituel des Bohras
Bon
ils vous racontent tout cela
bien mieux que moi
Alors qu'est ce qu'on fait
lors d'une visite de courtoisie
à l'Amil?
On met son calot
on le salue
on cause
on transpire quand la clim s'arrête
- moi j'adore, ça fait moins de bruit-
on boit du thé.
Ah non, du café.
Incroyable en ces contrées.
Les Bohras viennent du Yémen.
c'est peut-être pour ça...
Photographie ©Anne Bonneau

lundi 18 juin 2018

Garder le rythme

Les premiers jours
à Sidhpur
dès que tous s’arrêtaient
après le déjeuner
pour une looooongue sieste
jusqu'à six heures, quoi
nous
on en profitait
allez zou
pour sortir
quêter
de quoi nourrir
les Instantanés
dehors.
Bon
évidemment
par 45°C à l'ombre
il n'y a plus grand chose
dehors...
Après quelques jours
on a compris
et on s'est aussi
affalés
sur les coussins
pour un p'tit repos
rythmé par les pales du ventilo
et les doubles bips
de messages reçus :
Le reste du monde
qui veut parler
à Asger
ou Amir
ou Bhuni.
et qui ne sait pas
que là
ici
le temps s'arrête.
en deux temps
sieste oblige...
Photographie ©Anne Bonneau

dimanche 17 juin 2018

Lis ton Coran fillette

Ici
à Sidhpur
on annone récite
en choeur.
Les filles et les gars
tous oscillant du buste
en rythme
ou pas
mais tous
les yeux rivés
sur le Livre.
Et Husseina d'ajouter
pour les filles
la medersa
c'est OBLIGATOIRE
et on n'a pas envie
d'école buissonnière
quand elle fait ces yeux-là.
Asger
lui
parle
de "lavage de cerveau"
et incite
les donzelles 
à fréquenter
aussi
l'école.
Husseina n'est pas contre
sinon
comment elles mèneront leur business
les filles, 
plus tard,
hein?
Ecoutez leurs joutes
Photographie ©Anne Bonneau

vendredi 15 juin 2018

Scènes capitales

Des boutiques ouvertes
des savates frottant sur les pierres du trottoir
c'est
la ville.
Le genre d'endroit 
où le peintre seychellois Camille Mondon passe parfois
fait quelques croquis
avant de se retirer fissa
chez lui
à Bougainville.
"Mon père vit juste en-dessous
j’ai de la famille aussi
la plupart des maisons que vous voyez ici
ce sont des gens qui m’ont vu grandir
depuis tout petit
qui m’ont vu devenir un homme
ils me connaissent tous
nous vivons tranquillement
tous ensemble"
Camille partage un moment de sa vie
avec vous
dans "Instantanés du monde à Bougainville"
venez.
Photographie © Anne Bonneau

jeudi 14 juin 2018

Aimer les hommes

ça se voit sur ses toiles
Camille est un homme qui aime les hommes.
Les hommes de son pays
leur démarche
leurs expressions
leur peau
et leurs couleurs.
Moi j'ai aimé leurs rires et leurs accents.
Question de média.
Camille aime les femmes aussi
leurs regards
leur distance
leurs cotons et leurs ombrelles.
Tous les deux je crois qu'on aime
l'humain
sa beauté
sa force éphémère
et sa fragilité constitutionnelle.
Ecoutez un peintre de l'humain
dans "Instantanés du monde à Bougainville"
Photographie © Anne Bonneau

mercredi 13 juin 2018

Case en bois sous tôle

La case en bois sous tôle
- c'est l'appellation consacrée-
est typiquement le genre d'endroit
où j'aimerai vivre
oui, bon, là n'est pas le propos
où notre invité de la semaine
aime à se poser.
Pas sur la varangue de l'est
dans le transat où je me vois bien bouquiner
mais en face
de l'autre côté du chemin
carnet de croquis en main.
Camille Mondon vous explique
ses inspirations
dans "Instantanés du monde à Bougainville"
Bougainville c'est le nom de son village aux Seychelles
ne me dites pas qu'on peut résister à l'envie de vivre
dans un endroit
nommé
Bougainville,
non?
Photographie © Anne Bonneau

mardi 12 juin 2018

Papa pique et maman coud

Je vais vous dire une chose
il vaut mieux coller aux basques
d'un peintre naturaliste
que d'un marathonien.
D'abord ça va moins vite
et ça souffle pas quand ont fait des interviews
"en situation" comme on dit dans notre jargon.
Et puis le risque de dire au peintre
"je vous suis"
c'est qu'il commence un truc
et qu'il vous oublie.
C'est pratique
ça laisse le temps de l'observer
de capter des sons
des images
des impressions
de le laisser digérer
et de rebondir soi-même
bref
de se connaître.
cadeau de rencontre cette semaine
dans "Instantanés du monde à Bougainville"
Photographie © Anne Bonneau

lundi 11 juin 2018

Le silence des pinceaux

Il passe parfois à sa galerie
Camille Mondon
et si vous lui demandez de poser
voilà
il baisse les yeux
c'est assez.
Il y a du silence chez cet artiste
il y a de la retenue
il y a le goût aussi sans doute
de ne pas s'égarer dans le temps qui se compte
mais une envie
de perdre
celui qu'il passe là haut
loin de la capitale
loin de Victoria
qui pour lui bruisse trop
retrouver au plus tôt
le silence des pinceaux.
Figurez-vous que cet homme parle aussi!
C'est rare
et d'autant plus précieux!
Vous l'entendrez dans "Instantanés du monde à Bougainville"
Photographie © Anne Bonneau

mercredi 6 juin 2018

Ils étaient vingt et cent

Dans l'enfance de Paco
il n'y a pas si longtemps
ils étaient vingt et cent
les chevaux
sur son île natale
d'Hiva Oa.
Ils étaient vingt et cent
quand les mariages
réunissaient tous les villages
dans une vallée
et où les garçons
avaient capturé
les plus beaux étalons
pour alpaguer
le coeur des filles.
C'était hier.
C'était ici.
C'était un pays
où un cheval est un cheval
pas un terme de mécanique.
Aujourd'hui?
Aujourd'hui, il en reste 3 ou 400, des chevaux sauvages, sur l'île de Paco.
Pour ce qui est du coeur des filles
et des vallées
écoutez-le
en parler
dans "Instantanés du monde, au ranch Hamau" (cliquez ici pour entendre l'émission)
Photographie©Anne Bonneau

lundi 4 juin 2018

En vrai ou à la télé?

Comment vous aimez voir les choses, vous?
En vrai ou à la télé?
Si jamais
si un jour plutôt
vos pieds vous mènent
aux Marquises
eh
faut savoir
qu'il faudra vous en servir
pour découvrir les îles 
en vrai
avec les parfums
la fraîcheur ou l'aridité
les cahots des crêtes
ou la boue des vallées
bref
tout ce qui vous fait
des petites madeleines
pour le reste de la vie.
Car il n'y a pas mieux pour ça
qu'un sentier
à parcourir
à pied
ou à cheval
au rythme du pas
ou du sabot
comme dit Paco.
Ecoutez-le, dans "Instantanés du monde au ranch Hamau" (cliquez ici pour entendre l'émission)
Photographie©Anne Bonneau

samedi 2 juin 2018

Le retour

Ils ont été nombreux
les jeunes Goannais
à quitter le pays
pour pouvoir poursuivre des études
vu que cette colonie portugaise 
n'offrait pas aux Indiens
de possibilités d'étudier bien loin.
Des années plus tard
Sacha est elle aussi partie
étudier la mode et le design à Bombay.
Et est revenue très vite 
car enfin
l'air du pays lui manquait trop.
Sacha est la coolitude incarnée
son mètre quatre-vingt ondule avec ses bras en balancier
quand elle parle 
au rythme saudade.
Ecoutez cette fille du pays
tenter de nous faire comprendre
ce qui la cloue ici
à Goa
dans "Instantanés du monde à Goa, en technicolor" (cliquez ici pour entendre Sacha)
Photographie © Anne Bonneau

vendredi 1 juin 2018

Marée basse

Elles sont mythiques
les plages de Goa
en Inde.
Ah.
J'avoue qu'au mois de juin
il est un peu difficile
de s'enthousiasmer
devant la mer de mousson
qui s'offre à vous
et les paillotes désertées
qui promettent fooooooooooorce touristes
en pleine saison
je n'ose imaginer.
Bref
j'ai posé un sourire poli sur mon visage
et ai gardé ma dubitatitude (vous voyez ce que je veux dire) pour moi.
En revanche
il y avait plein de travailleurs sur la plage
pas super busy vue la saison basse
donc aptes à discuter.
C'est ce qu'on a fait
et on en apprend beaucoup
sur ce qui se vend ici.
Du plaisant
et moins.
Ecoutez tout dans "Instantanés du monde à Goa, en technicolor" (cliquez ici pour entendre l'émission)
Photographie © Anne Bonneau