vendredi 29 juin 2018

Puis-je vous aider ?

D’abord, il n’était pas prévu que je reste. 
Alors j’étais venue comme ça
en parasite-minute
débarquant 
– et néanmoins accueillie- 
par ceux qui passent leur vie
ou du moins une bonne tranche de leur jeunesse – 
loin du monde. 
Et qui ont quitté leur terre
leur famille
leur quotidien
voire
leurs amoureux
peut-être par passion pour la faune ici unique
et peut-être aussi
juste
pour être 
un peu
loin du monde. 
Pas de quoi se réjouir de voir débarquer une personne de mon acabit. 
Qui ne connaît rien de ce milieu 
– fort peu documenté, à ma décharge- . 
Qui casse les terriers des oiseaux 
(oui, les oiseaux vivent dans des terriers là-bas…) 
en un ou deux faux-pas. 
Et qui pose mille questions
sans doute idiotes
au moins naïves. 
Alors évidemment
la moindre des choses
pour moi
c’est aussi
de donner un coup de main
une fois mon travail terminé 
(est-il parfois terminé, j’en doute…) 
Bref.
Le bateau allait arriver pour me rapatrier sur la terre des hommes
des bidons de déchets attendaient de traverser l’île jusqu’au promontoire de débarquement
et les bras étaient rares. 
Alors je me suis proposée. 
Les bidons étaient très lourds. 
Les gars avaient autre chose que moi, dans les bras. 
Ils courraient vite. 
En un instant, j’ai été distancée. 
En fait, vous ne le croirez pas, mais encore une fois, si si, c’est possible
perdue
dans une de ces gorges magnifiques. 
Et alors, vous faites quoi, là ? 
Sortir un téléphone portable
c’est possible
pour dire quoi ? 
Je suis où, là ? 
J’ai crié
plus fort que les oiseaux
en voyant passer quelqu’un au loin
un truc genre « Je suis sur le bon chemin, là ?». 
Les gars ont rigolé
 « on croyait qu’on t’avait perdue ! ».
venez vous perdre, dans "Instantanés du monde sur l'île ronde"
Photographie © Anne Bonneau

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