vendredi 31 mars 2017

Qui frappe?

Il est très discret
cet artisan laconique
frappant doucement
les motifs de bois sculpté
empesé de pâte colorée
roulant tranquillement le chariot de bois
faisant des aller-retour ralenti 
d'un bout à l'autre de la table.
C'est calme
il n'y a pas de vent
pas de mauvaises odeurs
comme on pourrait le penser
quand on parle de teinture
un métronome
cet artisan laconique

jeudi 30 mars 2017

Racines de rhubarbe et pelure d'oignons

Ce sont les choses avec lesquelles les teinturiers du Kutch travaillent
et aussi le curcuma
et l'indigo
que l'on trouvait autrefois dans le désert
après les pluies
quand il y avait des pluies
et que l'on travaillait en pâte
dans les rivières
quand il y avait des rivières
Aujourd'hui de méga usines textiles moulinent
à une encablure de là
imprimant à tire-larigot
du polyester
que les villageois préfèrent
au coton teint
d'indigo
de curcuma
de pelure d'oignon 
et de racine de rhubarbe

mercredi 29 mars 2017

Le vent

Il est partout
il n'arrête pas
jamais
pas même le soir
ni au petit matin
il fait tout voler
des jupes aux nuages
et quand il s'enroule dans mon micro
Denis, le technicien qui a fabriqué cet "Instantané" avec moi
n'aime pas
mais pas du tout.
Non pas qu'il n'aime pas le vent
Mais pas le vent dans le micro
le vent dans les branches, il adore
moi aussi hein
mais y'avait pas de branches...

mardi 28 mars 2017

Ton nom, ton métier

Khatri. 
Il se présente comme ça
Son prénom, son nom, sa communauté
qui signifie aussi
son métier
dans ces villages insulaires
du désert du Kutch
autarcie obligée
et à chacun son rôle
son métier
la fierté de son nom
de son savoir-faire
être Khatri, ici
ça signifie
être un maître
être un roi
dans l'art de l'impression textile
dont tout le monde a besoin
ou avait besoin
avant que les îles ne trouvent des ponts vers l'ailleurs
vers l'industrie
Khatri
Combien de générations pourront encore prononcer ce mot
avec fierté?
Ismaël Khatri vous donne la réponse

lundi 27 mars 2017

Langage des blocs

Une fleur?
Une étoile?
Une mangue?
Une feuille de je-ne-sais-quoi?
Allons donc!
Ces blocs de bois sculptés
accessoires indispensables de l'impression textile 
ont beaucoup plus de choses à dire
que cet inventaire 
botanique
tronqué
si ce n'est 
décapité par mon ignorance...
derrière ces charmantes volutes
se dessine
votre statut social.
Pas moins.
Si vous faites partie de telle communauté
Jat, Maldari, Rabari, que sais-je encore
vous ne porterez pas les mêmes fleurettes sur vos jupettes
que vos voisines
de la communauté Aahir, Mochi, Sodha, que sais-je encore
eh
et même plus
si vous êtes mariées, vous n'aurez pas droit
aux fleurettes des jeunes filles
et au motif ( lequel?) des veuves.
Feuille de truc
fleur de machin
volutes
spirale
étoile
Allons donc!
On vous les décortique, dans

samedi 25 mars 2017

De rives en lisières

Il vit dans un village du Kutch
à la frontière du Sind
qui fait partie maintenant du Pakistan
ses ancêtres sont arrivés là
depuis longtemps
Il ne sait pas trop, au juste
mais estime que cela devait être après un de ces grands tremblotements de terre
qui secouent, ici, tous les deux siècles
qui emportent les hommes
et qui obligent les monarques
à repeupler leurs royaumes
avec du sang neuf
et si possible
avec ce qu'il y a de mieux
comme sang
dans tous les domaines.
Les meilleurs des hommes s'établissent ici
et se coulent dans le paysage.
Ismaël Khatri s'est donc glissé avec sa famille aux bords des rivières
jusqu'à ce que les rivières s'assèchent
plus possible alors de continuer à vivre de son art
la teinture des tissus
A moins que...
écoutez les solutions et les interrogations de ce maestro de la teinture et de l'impression dans
Instantanés du monde à AjrakhPur 

vendredi 24 mars 2017

Rinçage, essorage, séchage

C'est pas parce qu'il y a de belles maisons
avec des allures fort policées
pleines de cristaux
de bois de teck
et d'argenterie
que dehors
la nature
ne vit pas sa vie
de nature
sauvage.
Entendez
plutôt violente en ces contrées Gujaraties.
Et que je te brûle les terrasses
par des températures de 45° à l'ombre
et que je t'envoie le rinçage des façades
par des pluies de moussons diluviennes
et que je te gèle les carreaux
en hiver
avec les vents descendus tout droit
ou presque 
de l'Himalaya.
Bref
pas de mesure.
Accrochez-vous, les bâtiments.
Ceux-là tiennent bon
jusqu'à maintenant
courez-les voir
avant qu'il ne soit trop tard.
Vous croiserez 
dans les rues
la nature
sauvage :
des chiens jaunes, le jour
des tortues, la nuit.
Si si.
Et des gens, aussi
Ecoutez-les dans "Instantanés du monde à Sidhpur" (cliquez ici, vous entendrez)
Photographie ©Anne Bonneau

jeudi 23 mars 2017

Mets ton grain de sel

Que font les Bohras
quand ils rentrent au pays?
Ils mangent!
Ils mangent la nourriture du pays
qui, à en croire Husseina
a meilleur goût 
qu'à la maison.
Je ne sais pas
je ne suis pas allée manger
chez Husseina
à Madras
où elle vit.
Mais ici 
à Sidhpur
rien que l'idée
de ça
le petit déjeuner
m'incitait
à me lever fissa!
Assis par terre
tous regroupés autour du plateau
j'attends le signal.
Je fais bien.
Foin de bénédicité
avant de se pâmer les papilles
mais le partage du sel.
Amir vous explique pourquoi 
Dans "Instantanés du monde à Sidhpur" (cliquez là, vous entendrez)
on se doit
de tremper
son doigt
dans le sel
avant de manger.
Vous connaissez d'autres contrées où cela se pratique?
Photographie ©Anne Bonneau

mercredi 22 mars 2017

La fermer

Dans le silence de Sidhpur
si incongru
pour une ville indienne
il y a 
le muezzin de l'aurore
suivi de près
par les cris des perroquets
l'appel des mendiants
un balai de paille
et les clés.
Vérrouiller
dévérrouiller
les ouvrir
et les fermer.
Les maisons des Bohras
vivantes une fois l'an
s'ouvrent et se referment
pour secouer leur poussière.
Et parfois aussi
de plus en plus souvent
sous les assauts
des brigands
bandits
et autres aigrefins
attirés par les antiquités
laissées là
sous clé
sous les regards usés
des serviteurs abîmés.
Qui ouvrent
secouent
et referment.
en attendant.
En attendant qu'on tourne à nouveau les yeux vers elle
en attendant
que vous veniez la voir.
Ecoutez cette ville en suspens
dans "Instantanés du monde à Sidhpur" (cliquez ici pour entendre l'émission)
Photographie ©Anne Bonneau

mardi 21 mars 2017

Tu dors?

Quand on est arrivé à Sidhpur
Bhuni avait tout organisé pour nous.
Des gens qui ont plein de choses à raconter
des trousseaux de clés pour visiter les maisons closes
je veux dire, fermées
et une question
"Dans laquelle voulez-vous dormir?"
C'était genre
demander à la belle au bois dormant
dans quel château
elle préférait aller se poser.
Ben
qu'importe
non?
Mais puisque la question était posée
fallait bien se demander pourquoi...
Choisir en fonction de la déco?
De la vastitude des pièces?
De la proximité d'un robinet? eh.
Finalement
après force visites
dans des maisons
toutes plus somptueuses les unes que les autres
je me suis dit
que c'était pas mal
de dormir
dans une maison
pas vide.
Avec un vrai gardien
qui récite ses prières
comme il faut.
En sécurité, quoi.
Ecoutez l'ambiance du soir là-bas
dans "Instantanés du monde à Sidhpur" (cliquez ici pour entendre l'émission)
Photographie ©Anne Bonneau

lundi 20 mars 2017

Veilleur de jours

Dans les rues de Sidhpur
sont exposés
tous les cadenas du monde.
A la porte de chacune des maisons.
Doublée d'une exposition canine
offrant les plus beaux spécimens 
de chiens de pays.
Et voilà
c'est tout.
Pas de vie
ou presque
pour ces demeures
ouvertes une fois l'an.
Des écureuils
des pigeons
des perroquets
quelques ânes et vaches errants
et voilà
c'est tout.
Bon.
Mais que vous fassiez déambuler
dans l'ombre
des rues 
du quartier des Bohras
quelques individus bien et bon vivants
et vous verrez éclore
des myriades de souvenirs d'enfance
de témoignages
d'une vie
révolue.
Ecoutez-les causer, Amir, Asger ou Husseina
dans "Instantanés du monde à Sidhpur" (cliquez ici pour les entendre)
Photographie ©Anne Bonneau

dimanche 19 mars 2017

Sombres silences

On entre sur la pointe des pieds
on laisse ses savates sur le seuil
et l'on passe du chaud au froid
de la rue
aux mosaïques
du marbre clair
aux tapis de laine.
L'intérieur
de ces demeures Bohras de Sidhpur
n'est éclairé que par la porte d’entrée
et les fenêtres du fond
à 81 pieds de distance.
Entre les deux
un unique
puits de lumière
assourdie par les grilles et la poussière.
Alors on murmure
dans ces demeures crépusculaires.
Il y a bien quelques lustres art-déco
pour assurer le pas
et les cloisons de bois 
sont percées de vitres dépolies
gravées
aux armes divines
pour éclairer l'âme.
partout
sont ciselés 
les noms de Dieu.
Les pieds nus avancent vers l'obscurité
les lèvres murmurent
Bismillah...
Ecoutez la vie palpiter en silence
dans ces antres
d'une communauté prospère
et pieuse
dans "Instantanés du monde à Sidhpur" (cliquez ici pour entendre l'émission de radio) 
Photographie ©Anne Bonneau

samedi 18 mars 2017

Toutes les mêmes!

C'est pour ça
que je voulais vous emmener
dans ce trou perdu
qu'est Sidhpur
au Gujarat.
Pour elles.
Les belles alignées.
Ces maisons incongrues
dans un pays
qui ne goûte guère
les lignes droites
la similitude
l'ordre
l'absence de digression...
Bref 
aux antipodes des antipodes
il y a
ce quartier des Bohras
où l'on se demande
pourquoi
avec quelle idée en tête
on a pu
construire
de tels alignements
et les conserver
ainsi
sans les éternelles verrues indispensables ajouts indiens
que sont :
la boutique de thé
le vendeur de poulet
d'oeufs
de pneus
le cordonnier
le barbier
le paanwala
j'en passe
et de plus essentiels à la vie
adossant leurs échoppes
contre les façades
des demeures
les plus augustes.
Hein
comment c'est possible, ça?
Ecoutez!
dans "Instantanés du monde à Sidhpur" (si vous cliquez ici, vous trouverez l'émission de radio)
Photographie ©Anne Bonneau

vendredi 17 mars 2017

Tant qu'il y aura la mer

On n'en fait plus beaucoup
des pirogues
à Raivavae.
La voiture a pris le relais
ou alors
le vélo.
Mais enfin
si elles ne servent plus vraiment
en transport
de légumes
ou de matériaux
elles voguent encore
pour la pêche.
Et aussi
pour amener les touristes
sur le motu.
Le vieux Rahitiarii semble formel
"On fera toujours des pirogues à Raivavae!"
Des pirogues cousues
propres à cet îlot
et tandis qu'il m'explique
devant lui passent
des rameurs
qui s’entraînent
dans des pirogues
en fibres de verre.
Ecoutez-les, dans "Instantanés du monde, sur les routes de Raivavae" (cliquez ici pour entendre voguer les pirogues cousues)
Photographie©Anne Bonneau

jeudi 16 mars 2017

Hiro, mon héros

Est-ce parce qu'il vit juste au-dessous
du Mont Hiro?
Est-ce parce qu'il excelle
dans la fabrication de pirogues traditionnelles?
Est-ce parce que l'horizon est ce qu'il voit
dès que ses yeux s'ouvrent le matin?
Est-ce par goût des histoires?
Ou un peu de tout ça
qui fait que
monsieur Rahitiarii
a une passion
pour Hiro.
Et des rêves aussi.
De construire une pirogue
comme celle du héros.
Et des analyses
sur ses compatriotes
"De grands navigateurs les Raivavae, on peut dire ça"
encore aujourd'hui?
"Oui! on va même jusqu'en Suisse aujourd'hui! Bon, pas en pirogue, mais quand même! On a toujours le voyage dans le sang!"
Ecoutez-le dans "Instantanés du monde sur les routes de Raivavae" (cliquez ici pour entendre l'émission)
Photographie©Anne Bonneau

mardi 14 mars 2017

Kit de base

La pirogue
c'est le kit de base
dans les îles.
Enfin,
c'était.
Avec le cheval.
Fini tout ça.
Tearii le dit
"Il y avait au moins deux trois pirogues dans chaque famille"
Une pour la pêche
une pour aller à la tarodière
une pour aller sur le motu
chercher le corail
pour la construction
et la chaux
une pour la messe.
"On n'allait tout de même pas aller à pied!"
Et maintenant?
En voiture!
Ou
en vélo.
Ecoutez les usagers des routes bleues
et de l'autre
en dur
dans "Instantanés du monde sur les routes de Raivavae" (cliquez ici pour entendre l'émission)
Photographie©Anne Bonneau

lundi 13 mars 2017

Terre-mer



Sitôt posée
sur ce petit bout de terre
à Raivavae
je n'ai eu de cesse
de vouloir
en faire le tour.
Pas possible
évidemment
et pourtant
rien de plus simple.
En faire le tour
physiquement parlant.
Un vélo
le vent dans le dos
et zou.
suffit de suivre
la route
cette route blanche
en corail
en trous et bosses
en déraillages de vélo
qui obligent
à mettre pied à terre
à s'arrêter
à discuter
à envisager
l'espace
à bâbord
comme autant de plein
une autre terre ferme
un autre espace
et pas juste
de l'eau
du vide
du rien.
Insulaire, enfin.
Ecoutez les histoires
de la terre
et de l'eau
et de leur alchimie
qui façonne
un peuple
à part
Photographie©Anne Bonneau

vendredi 10 mars 2017

Sa voix

Elle s'était vraiment pété la voix
Johnise
et ce n'est pas parce qu'on l'avait lessivée interviewée juste avant!
Non, non, on n'y est pour rien
elle est bavarde Johnise c'est tout!
Bref, le soir du concert
ça sortait genre Jeanne Moreau demain
et c'était beau bien-sûr
et on l'adorait comme ça bien-sûr
et on lui criait bien-sûr
à s'en péter la voix.
Parce que Johnise aux Seychelles est une icône
et même une icône éraflée
on l'adore.
De quoi on parlait tant avant le concert?
Des violences faites aux femmes
dans ces contrées paradisiaques
où le silence est roi
le linge sale se lave en famille
et les commérages vont bon train.
Elle nous disait tout ça Johnise
écoutez-la dans "Instantanés du monde à La Retraite".
C'est ça qui lui aurait cassé la voix?
Photographie © Anne Bonneau

jeudi 9 mars 2017

A suivre!

Elle se sont succédées durant des heures
sur la scène
ces brochettes d'artistes
de femmes, uniquement
et cette gamine n'en perdait pas une miette.
Scotchée -comme nous tous-
par la magnifique énergie
la joie contagieuse
l'envie d'en être
de ces musiciennes convaincues
convaincantes.
Ok, il y avait bien quelques "kalomel"
quelques chansons d'amour mièvre
et autres miroirs aux alouettes
mais il y avait aussi
la liberté de mouvement de l'une
la voix rauque de l'autre
la rage de toutes
et le regard de cette enfant
bourré d'étoiles.
Marie-Claude et moi
on avait fait des interviews de femmes battues toute la journée.
ça nous a fait du bien
cette pause.
On en parle aussi
de ces ponts pour les enfants
de ces rampes de lancement au bonheur et à la liberté
dans "Instantanés du monde à La Retraite", écoutez en cliquant ici.
Photographie © Anne Bonneau

mercredi 8 mars 2017

Femme artiste, ou pas

Bien-sûr qu'on a le droit de danser
et chanter aussi
bien-sûr qu'on a le droit de jouer d'un instrument de musique.
De donner des concerts?
D'être célèbre?
De partir en tournée...
Oula.
Pas si simple de laisser pousser sa fibre artistique
ici ou ailleurs
quand les conventions
invitent plutôt les femmes
à rester dans l'ombre.
La lumière oui
à condition d'assurer à côté le confort
de la maison
des enfants
"Et des hommes surtout!" ajoute Angélique, qui sait porter son nom, quand il faut.
Et toutes de rire.
Jaune?
Ecoutez-les dans "Instantanés du monde à La Retraite", en cliquant ici
Photographie © Anne Bonneau

mardi 7 mars 2017

La tradition, dit-elle

Il fallait attendre
le début du concert
car pas question qu'il ne commence
avant le lancement officiel
par un ministre
-je ne sais plus lequel-
on a attendu
et écouté les filles répéter
dans un container transformé en loge.
et puis bien-sûr on a discuté
de la place de la femme
puisque le concert était intitulé
Fanm Dan Zil.
Avec une artiste Rodriguaise
on a évoqué le rôle de la femme
et "la tradition"
qui gène parfois aux entournures
pour pouvoir
par exemple
s'exprimer avec un violon.
Alors parfois bien-sûr, ça grince.
Ecoutez-la dans "Instantanés du monde à La Retraite", en cliquant ici pour entendre l'émission.
Photographie © Anne Bonneau

lundi 6 mars 2017

Sourire à l'instant

On dirait presque qu'on lui a demandé de sourire
à Brigida.
Mais non,
ça
ça n'aurait pas été possible.
Pas après ce qu'elle nous a murmuré
au creux du micro
porte de fer close
mais les yeux droits dans les vôtres.
Son sourire tiré
crispé
peut-être est-il juste
le reflex
de l'appareil photo
qu'elle ne refuse pas.
Les mots non plus
ne lui sont pas refusés.
Pourtant
elles sont nombreuses comme elle
à se taire
voire
à nier.
Mieux
elle tient à parler
en français
pour que tous l'entendent
aussi
là-bas
pas seulement ici.
Cette semaine "Instantanés du monde " vous emmène aux Seychelles.
Il y aura des bleus.
Pas ceux que vous attendez.
Ecoutez, "Instantanés du monde à La Retraite" en cliquant ici.
Photographie © Anne Bonneau

samedi 4 mars 2017

Les dames de la cour


C’est tranquille ici.
Un peu passant, mais bon.
Ça donne du grain à moudre à ces dames

plantées dans la cour de la mosquée à longueur de journée.
Au petit matin

les enfants 
qui montent les marches quatre à quatre 
et se glissent dans les salles de l’école coranique.
Un peu plus tard

les personnes âgées
qui dodelinent dans l’escalier
pour se rendre aux cours de l’école coranique.
Et puis

toute la journée 
les allers et venues des surveillants gouvernementaux
qui prêtent l’oreille sur les cours de l’école coranique
« Maintenant tout les cours donnés pour l’étude et la compréhension de l’Islam se font sous la direction de l’Etat. Mais on est libres de pratiquer cette religion. On peut tout dire dans les classes d’éducation religieuse. Mais il ne faut rien qui s’oppose au gouvernement. On est très surveillés. Mais sinon, on est libres. » 

Sheik Li Yum Chun
A écouter, des deux oreilles, dans « Instantanés du monde, à Shuncheng »

Photographie © Anne Bonneau

vendredi 3 mars 2017

On garde, on jette

On n'arrive ici qu'à pied
la route n'est pourtant pas bien loin
mais elle ne pousse pas jusque là
pour l'instant.
Car à un jet de pierre
se construit un hôtel
alors
la route mènera peut-être
au village de la tribu Bhil
un jour.
En attendant, on marche.
on construit des maisons de terre et d'épineux
mais des tas de graviers poussent dans les rues
promesse de maisons "en dur".
C'est une question qu'il se pose aussi
le Dr Tribhuvan, anthropologue à Pune
"Faut-il garder les traditions des tribus, ou leur permettre de manger des pizzas et des hamburger comme nous?"
Qu'en pensez-vous, vous?
Photographie©Anne Bonneau

jeudi 2 mars 2017

La crêpe et le croissant

Dans tous les marchés du monde c’est la même chose
Il y a toujours des sons formidables
des gens qui vous en donnent à pleine voix de langues inconnues
Des parfums qui vous alpaguent en vol à la moindre foulée
Plein de choses à goûter
Et des gens qui ont le temps de s’arrêter, pour causer.
Tout ce que j’aime.
Alors quand je vois la jeune Ma Xia
rajustant son foulard sur sa tête en me souriant
je me dis que je suis sur la bonne voie
décidément, les marchés sont des filons!
On est bel et bien dans le quartier musulman
et cette jeune étudiante a le temps
de bavarder et de m’expliquer 
comment on est musulmane 
et Chinoise.
A condition
Que je lui explique
comment on peut être musulmane
et Française
On s’assied
on mange une crêpe de riz au sésame et à la sauce de cacahuètes
on débat des vertus de la laïcité 
et de l’importance de la foi
on se régale.
Je partage avec vous ce moment délicieux (sans la crêpe) dans « Instantanés du monde à Shuncheng »

Photographie © Anne Bonneau

mercredi 1 mars 2017

Saisissement

Ils étaient tous regroupés sur une placette
avec des airs 
d'un truc pas clair...
ça murmurait dans les rangs
et un homme s'acharnait
sur un mur
piquant la pierre
d'une barre de fer...
Du bout des lèvres
un homme a dit
"Sap!"
et je suis remontée d'une marche
on sait jamais...
Et tout à coup
il a surgi
ce n'était pas un serpent
mais un varan
l'homme a ri
"C'est un petit!"
Ah bon? j'aurais pas utilisé cet adjectif-là, moi
mais il l'a tout de même embroché
"Oui, mais il est venimeux"
Allez zou, tout le monde remonte vers la colline
l'homme m'alpague
"Venez, venez prier!"
comme on dirait
venez prendre un verre
pour vous remettre
de vos émotions...
Photographie©Anne Bonneau